L’art de la céramique permet au créateur des formes aussi essentielles qu’un caillou, qu’une rafale de vent, une flaque d’eau, le soleil dans les feuillages. Les œuvres de Brigitte Chassang puisent leur inspiration et envisagent leur devenir comme une sensible transformation d’éléments de culture et de nature. La technique du grès ou de la porcelaine cuits au bois requiert une maitrise, une expérience particulière. Dès l’origine de l’oeuvre, l’imaginaire créé par la cuisson au bois s’invite.
La force des œuvres tient de l’équilibre entre la forme proposée et l’apport du feu.

Les vases très hauts, ou Koré ( figures féminines dans la Grèce archaïque ), d’une grande sobriété, comportent une torsion à mi-hauteur comme une taille, un mouvement, et pour chaque pièce, la richesse du feu va rendre émouvante sa simplicité ou son élan subtil dans la lumière.

La série Satchmo, vases dont la forme est tournée puis poussée et modelée de l’intérieur, procède d’un dialogue avec la céramique néolithique orientale. Sur ces formes, le motif des empreintes de feuillages ou de plumes rompt la rugosité de l’ « écorce ». Le col tourné nuance le modelage du corps et concourt à l’apaisement et à l’équilibre de la pièce.
La poursuite de cette recherche a amené les Orcelles, où le corps modelé est exhaussé par un pied répondant au col, qui peut être perçu comme une traversée de la forme, ou un empilement. Sur cette série, il y a une évidence de la construction. On peut y voir des intentions et volumes proches de certaines architectures et sculptures modernes (Mario Botta, Henri Gaudier Brzesca).

S’élevant à partir de trois points, les grands vases tripodes poursuivent le dialogue avec la céramique ancienne de Chine ou Précolombienne. Si l’isostatisme ( les trois points d’appui ), est un gage de stabilité, il permet en outre l’étirement de la forme, un évident rapport de plein et de vide et des profils aux modulations étonnantes.

Les céramiques usuelles : bols, tasses, théières, pichets, possèdent des qualités dans l’espace cependant qu’elles répondent pleinement à leur usage. Ainsi les bols en porcelaine dont les 5, 6 ou 7 faces construites dans un mouvement de vrille ou pour certaines une rigueur plus géométrique offrent une blancheur nacrée ponctuée de rose, gris et brun plus mat. A l’usage, ces objets du quotidien à l’apparente austérité révèlent lentement leur grande richesse de formes, couleurs, surfaces.

Serge Landois

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Chaque année, nous prenons part au rituel. Nous rejoignons ce creux de la Bourgogne où, pour trois jours et trois nuits, nous allons être les assistants de Brigitte pour la cuisson de sa production annuelle de céramiques. Autour du four, autour du feu.
Avec exaltation, stress, curiosité, avec patience, jovialité, gaucherie, avec ferveur, désir, inquiétude… nous sommes les témoins actifs de la collaboration qui se noue entre Brigitte et le feu : elle le fait naître et le provoque, elle le nourrit de bois et contrôle son ampleur, mais ne le voit pas faire, ne peut en diriger les flammes ni tout à fait, malgré son expérience, en contrôler les effets.
Main de l’homme dans main du feu. De jour en nuit et de nuit en jour : présences, gestes et temps se condensent autour des pots.

Agnès Prévost